Le Programme AlphaB vous propose de revenir sur ce projet de loi dont on a beaucoup parlé ces derniers temps.
C’était un des projets phares du nouveau quinquennat. Comme nous vous en parlions l’année dernière (lien), les diverses instabilités géopolitiques, comme le conflit syrien, mais également les catastrophes climatiques, font que de plus en plus de personnes sont en situation d’exil.
Parmi celles et ceux qui fuient les conflits, « 100 000 ont déposé une demande de protection dans notre pays en 2017, soit +17% par rapport à 2016. » (en savoir plus)
Ce début d’année 2018 est donc déterminant dans l’adoption des mesures gouvernementales en réaction à cette augmentation de demandes de protection. Ainsi, cela ne vous aura pas échappé, le projet de loi « Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » a été présenté en conseil des ministres le 21 février.
Cette annonce de projet de loi a suscité énormément de réactions, notamment de la part du milieu associatif.
Le texte (disponible en entier ici) présente trois axes.
En janvier, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a affirmé que c’était un « projet de loi totalement équilibré. Il reprend deux grands principes : la France doit accueillir les réfugiés, mais elle ne peut pas accueillir tous les migrants économiques ». Le ministre a également souligné que si ce projet de loi a été présenté, c’est que « le problème principal tient à notre législation, qui par rapport aux législations européennes est beaucoup plus favorable ». (en savoir plus)
Suite à ce projet de loi, de nombreuses associations, notamment celles agissant dans le champ de l’aide aux réfugiés, se sont élevées pour protester.
Par exemple, Amnesty International estime que la « rapidité prend le pas sur la qualité ». L’association souligne également que la répartition entre réfugiés et migrants économiques est simpliste et réductrice. Le Monde recueille également le témoignage d’un professeur de droit public, Serge Slama, qui juge cette politique « plus dure que celle de Sarkozy. Le gouvernement veut avant tout dissuader les migrants de venir en France ».
La Cimade a également réagi : « Hormis de rares mesures protectrices, ce projet de loi instaure principalement des mesures renforcées de restrictions, de contrôles et de tris à des fins d’empêchement d’entrée ou d’expulsion et de bannissement du territoire ». Dans un dossier (consultable ici) de décryptage, la Cimade propose une analyse de cette mesure tout en proposant des alternatives, par exemple : supprimer la retenue pour vérification du droit au séjour, où bien ne pas entraver la possibilité pour les parents d'enfants français de reconnaître leur enfant et d'obtenir un titre de séjour.
Dans cette lignée de critiques et de propositions, la Coordination Française pour le Droit d’Asile (CFDA) a publié le texte « Les conditions minimales pour que l’Asile soit un droit réel » (voir le texte), soutenu par Amnesty International France, le Centre Primo Levi, le MRAP, la Comède, etc.
Selon ces associations, ce projet de loi semble peu adapté, l’aspect rapidité et efficacité prenant le dessus sur le côté humaniste du droit d’asile. On peut également souligner la distinction entre réfugié et migrant économique : l’un étant perçu comme un fardeau, l’autre comme une valeur ajoutée pour le pays. Cette dichotomie paraît arbitraire et discriminante.
Au-delà de ces prises de position, il est indéniable que la situation des réfugiés (comme la situation de toutes les personnes fragilisées) empire, notamment lors d’hivers rudes comme celui que nous traversons.
Si ce projet de loi se veut une réaction à ce qui est appelé la « crise migratoire », il va être difficile d’avancer sans prendre en compte les associations, en première ligne sur le terrain. Cela risque même d’être contre-productif si les mesures s’opposent à ce que préconisent les acteurs de terrain.
Jean-Pierre Coudouy pour le Programme AlphaB